Responsabilité pénale d'un Président de chasse
Dimanche 5 février 2023 Quelle est la responsabilité pénale d’un président de chasse ?
Si depuis la loi dite « Perben II », l’article 121-2 du Code pénal consacre explicitement la responsabilité pénale des associations en leur qualité de personne morale avec des sanctions importantes, celle-ci ne demeure envisageable que si les infractions ont été commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, et donc principalement par le président doté de pouvoirs propres pour agir au nom de l’association.
Notre expert, Philippe Landelle, vous dit tout.
- Bien avant cette réforme d’ailleurs, la responsabilité pénale du président de chasse, en sa qualité de personne physique, était déjà recherchée en cas d’action ou d’omission constitutive d’une infraction. Cependant, cette responsabilité n’est pas systématiquement reconnue…
Le principe : la recherche de la responsabilité du président de chasse
- Sans préjudice bien sûr des sanctions civiles et en se souvenant que la responsabilité pénale ne peut pas être couverte par une assurance, il convient de rappeler que, selon le Code pénal (Art. 121-3 CP ) , « les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ». Dès lors, la responsabilité de l’organisateur de chasse peut toujours être recherchée lorsqu’une infraction est commise du fait de la mauvaise organisation de la chasse sur le territoire.
« Le président de l’association s’est vu infliger un an de retrait de permis de chasser pour n’avoir pas donné des instructions précises à ses délégués »
- Ainsi, un président d’association a pu être condamné par le tribunal de police de Saint-Malo, par jugement du 27 février 1995, à trois amendes (de 700 francs) pour transport de chevreuil non bagué, et à de lourds dommages et intérêts. De la même façon, la Cour de cassation a condamné pénalement un président d’association qui avait fait marquer un cerf adulte avec un bracelet de daguet, même s’il n’était pas lui-même l’auteur du marquage incriminé ( C. cass. , crim. , 27 fév. 1992, 91-80.629. ) . Autre exemple : celui qui s’était rendu coupable de déplacement interdit en véhicule d’un poste de tir à un autre, alors qu’il connaissait parfaitement les lieux en sa qualité de président, a été condamné à payer une amende de 200 € et s’est vu retirer son permis de chasser avec interdiction d’en solliciter la délivrance d’un nouveau pendant un an ( C. cass. , crim. , 23 oct. 2018, 17-84.011. ).
La délégation : atténuation, voire exonération de responsabilité
- En ce qui concerne la délégation de pouvoirs, elle ne peut permettre d’exonérer un président que s’il démontre que la personne désignée possède « la compétence et dispose de l’autorité et des moyens nécessaires » pour faire appliquer les règles (statut, règlement de chasse, etc. ).
- Parmi les moyens nécessaires figure le pouvoir de sanction – ce qui implique des aptitudes techniques, une certaine autonomie et des moyens disciplinaires (le délégué doit, par exemple, avoir la possibilité d’exclure de la chasse un individu ne respectant aucune des consignes données). La délégation doit être renouvelée lors de chaque changement, même partiel, de l’équipe dirigeante après une assemblée générale. Le président peut ainsi déléguer ses pouvoirs aux différents responsables de son association. Le conseil d’administration entérine, lors d’une réunion, la liste des délégués, qui doit être consignée dans le compte rendu de séance.
- Parmi les délégués désignés, certains sont plus exposés que d’autres au risque d’être mis en cause pénalement. Tel est le cas de celui qui est chargé de poster les chasseurs. La Cour de cassation a ainsi condamné un chef de ligne qui avait posté un chasseur invité à la jonction de deux allées sans lui indiquer l’emplacement des autres chasseurs, alors qu’il n’avait pas de visibilité sur les autres postes et que, en outre, lui avait été précisée la provenance du gibier dans la direction d’un des chasseurs postés. Dans ce dossier, le juge a mis hors de cause la responsabilité pénale de l’organisateur de chasse, même si le président a été condamné civilement à réparer le dommage ( C. cass. , crim. , 20 nov. 1996, 95-84.048. ) .
En revanche, selon les circonstances, la responsabilité peut être partagée entre les différents acteurs.
- C’est ce qui a été rappelé pédagogiquement par un arrêt de la cour d’appel de Riom du 4 novembre 1993, où ont été cités tant le président de l’association que le chef de groupe et le tireur, car tous trois avaient commis, avec la victime, des erreurs qui ont concouru à la survenue de l’accident. Bien qu’il ait rappelé les consignes générales de sécurité avant le départ de la battue, le président de l’association s’est vu notamment infliger un an de retrait de permis de chasser pour n’avoir pas donné des instructions précises à ses délégués (poster obligatoirement les chasseurs eux-mêmes et ne lâcher les chiens dans la traque qu’après le placement de toutes les équipes), pour n’avoir pas coordonné leur action de manière à éviter des erreurs de placement « comme il était son rôle de s’en assurer avant même que la chasse ne commençât », et pour avoir confié à un même chef de groupe à la fois la tâche de placer des chasseurs au poste et celle de traquer avec deux autres chasseurs après avoir lancé les chiens. Il en a été de même dans une autre espèce où le président a été condamné pour homicide involontaire après avoir organisé une chasse sur une zone exiguë, en méconnaissance du règlement rappelant l’interdiction des postes mobiles et des tirs dans la traque lors d’une battue aux sangliers ( C. cass. , crim. , 14 déc. 2010, 10-80.663. ) . En sa qualité de responsable de la sécurité, il ne pouvait être, en l’absence de délégation, que le représentant par lequel le délit d’homicide involontaire a été commis, un accident mortel ayant malheureusement été à déplorer.
- On doit donc retenir principalement que toutes les obligations incombant à une association pèsent nécessairement sur son président ou sa présidente. À ce titre, cette fonction est importante, et ils doivent être félicités pour leurs engagements car, sauf délégation de pouvoir de leur part, les manquements constitutifs d’infraction leur sont personnels. Le poids de la responsabilité pénale conduit à une obligation de résultat ( C. cass. , crim. , 28 juin 2017, 16-85.291. ) , même si, depuis ces dernières années, la situation s’améliore grâce à l’instauration de nouvelles règles de sécurité visant l’ensemble des chasseurs, combinée à une large offre de formations particulières lancées par les fédérations des chasseurs en collaboration avec l’OFB.
Si vous êtes en infraction
- Pour un président de chasse, et en cas de blessures involontaires par imprudence ou de mise en danger, la peine commence à un an et 15 000 € maximum d’amende. Cette sanction peut être doublée en cas de faits causant une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois, voire triplée en cas de cumul avec un manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité (soit trois ans et 45 000 € maximum). À cela peuvent s’ajouter par ailleurs le retrait du permis de chasser et la suspension du permis de conduire (art. 222-19 et 223-1 du Code pénal).
En savoir plus : Art. 121-3 CP
Par Philippe Landelle, expert juridique de la direction Police, connaissance, expertise de l’Office français de la biodiversité
Par Isabelle Leca Pour lechasseurfrancais.com