C’est en participant cette année à la Saint-Hubert du Rallye Hourvari en Bourgogne (vènerie du chevreuil) que nous avons eu l’occasion d’échanger après la chasse avec Laure Hoffmeyer qui participait alors à son 3 ème laisser courre avec l’équipage. Originaire de Suisse, rien ne la prédestinait à suivre un jour une chasse à courre, c’était sans compter sur cette rencontre fortuite au cœur de la Bresse.
Un samedi matin de janvier 2016, après notre passage au marché de Saint-Germain-du-Bois (71), nous apercevons des vans, des chevaux sellés, des cavaliers en tenue inhabituelle et des chiens en grand nombre, tous de la même race, avec un « H » tondu sur le flanc. Des femmes et des hommes, des jeunes et des moins jeunes. Notre curiosité est immédiatement piquée au vif, et nous réalisons lentement que nous sommes face à un équipage de chasse à courre. Quel spectacle ! J’ai l’impression d’être projetée à une autre époque, dans une autre dimension. Je n’ai qu’une envie : m’approcher de ces personnes, leur parler, connaître leur pratique. Nous assistons en retrait au rapport, fascinés par le protocole, les trompes, le verbe, puis nous regardons l’équipage s’éloigner, la meute parfaitement aux ordres. Dès ce jour, je n’aurai plus qu’une seule idée en tête, celle de découvrir la vènerie, car j’en suis persuadée : c’est le destin, et rien d’autre, qui a signé notre rencontre.
Recherches et contact - À peine rentrée, me voilà en quête d’informations sur la toile. Je me souviens d’avoir lu « Rallye Hourvari » sur les tapis de selle des chevaux, confirmé par le marquage des chiens. Rapidement, j’arrive sur le site de la Société de vènerie où je trouve la fiche de l’équipage en question. Je navigue parmi les rubriques, puis je commence à télécharger les chartes et à lire tout ce qui me passe sous les yeux. Je découvre un univers fascinant, qui fait résonner en moi des passions de longue date : la nature, les chiens, les chevaux, les traditions, les trésors de la langue française. S’ensuivent des échanges d’e-mails sympathiques avec le président de l’équipage, et l’espoir d’assister à une chasse à courre.
Première chasse - Trois ans se sont déjà écoulés depuis ce jour d’hiver 2016. Après une visite au chenil à l’été 2019, rendez-vous est pris pour une première chasse avec le rallye Hourvari. L’excitation est à son comble, mêlée à autant d’incertitudes et de questions : ma tenue sera-t-elle adéquate, mon cheval tiendra-t-il le rythme, serons-nous à la hauteur ? Marqué d’une pierre blanche dans mon agenda, je n’oublierai jamais ce mardi 15 octobre 2019 en forêt de La Ferté. Même la météo, qui annonçait des trombes d’eau, s’est montrée clémente. Dès notre arrivée, nous sommes touchés par l’hospitalité et la bienveillance de l’équipage et de ses membres à notre égard. Mais c’est déjà l’heure du rapport et des trompes. Les émotions sont intenses, et j’ai l’impression de vivre un rêve éveillé aux côtés de mon cheval, qui semble capter la solennité de l’instant.
La vènerie, une dimension hors du temps - Nous partons à la chasse et l’action ne se fait pas attendre : peu de temps après le départ, j’ai la chance d’assister à un rapprocher sur un chevreuil, dans un grand champs à côté de la forêt que nous longeons. Les chiens crient, les trompes sonnent, les « taïaut » retentissent, les chevaux s’envolent ! Moi qui en ai tant rêvé, je me retrouve en plein cœur d’un laisser-courre, parmi les veneurs. Je plonge dans une autre dimension, un autre temps, ou plutôt dans un univers sur lequel le temps n’a pas prise, une dimension hors du temps. Et c’est bien ce qui me touche aussi dans cette pratique, le sentiment de pouvoir échapper, ne serait-ce que pour quelques heures, à notre siècle parfois si éloigné de valeurs simples, mais ô combien précieuses : l’amitié transgénérationnelle, l’esprit de la nature, le partage. - Pour conclure, je tiens à remercier le rallye Hourvari, ses membres et ses maîtres d’équipage, pour leur accueil et leur générosité. J’ai eu la chance de participer à d’autres chasses depuis cette première invitation, toujours avec le même émerveillement et une grande joie. Je ne peux qu’encourager toute personne intéressée par la vènerie à oser franchir le pas pour découvrir, à son tour, une nouvelle dimension.
Questions de la rédaction à Laure Hoffmeyer : Laure, on comprend dans votre rencontre avec la vènerie, que quelque chose vous a touché tout de suite pourtant vous n’aviez jamais été à la chasse auparavant ? Je viens d’une région de Suisse, le Jura, où la chasse fait encore partie des traditions, à l’image du canton du Valais. Toute petite, j’accompagnais mon père et mon grand-père à la chasse au sanglier, cela fait partie de mes souvenirs d’enfance : préparer le feu, attendre le retour des chasseurs, nourrir les chiens.
Qu’est ce qui fait qu’une personne comme vous puisse du jour au lendemain s’intéresser autant à cette pratique ? La vènerie réunit plusieurs centres d’intérêt qui me sont chers : les chiens, les chevaux, le contact avec la nature, la culture française et ses traditions. Dans le cadre de mes études de lettres, je ne me lassais pas de ces récits et de cette langue d’une époque certes révolue, mais qui continue de vivre, d’une certaine manière, au travers de la vènerie. Cela contribue aussi à l’attrait qu’elle exerce sur moi.
Comprenez-vous ceux qui n’adhèrent pas au principe de la vènerie notamment du fait de la souffrance de l’animal ? Je pense que notre époque se distingue, entre autres, par son manque de tolérance envers l’altérité ou l’inconnu et par son goût du paradoxe, bien que souvent inconscient. Les opposants à la chasse en général, et à la chasse à courre en particulier, semblent persuadés d’œuvrer en faveur des animaux alors que leurs actions vont parfois à l’encontre du bon sens et de la cause animale. Je déplore leur manque d’ouverture.
Quel message souhaitez-vous passer à ceux qui n’ont jamais mis un pied dans la vènerie et qui la critiquent outrageusement ? De mon point de vue, l’intransigeance et les idées radicales dont font preuve certains opposants ne sont pas compatibles avec le respect de l’autre, qu’il soit humain ou animal, et cela en dépit du discours qu’ils prônent. Il est toujours bon de se remettre en question et d’écouter celui qui ne partage pas forcément notre opinion. Ceux qui critiquent feraient bien de méditer cette célèbre devise attribuée à tort à Voltaire, mais qui garde toute sa pertinence jusqu’à nos jours : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ».
Propos recueillis par Baudouin de Saint Leger Pour : chassons.com