Nicolas Gavard-Gongallud, directeur de la Fédération des chasseurs de l’Eure côtoie les politiques les plus influents et est régulièrement sollicité sur les questions de chasse. Dernièrement, il était encore à la manœuvre sur la dernière loi chasse auprès de Sébastien Lecornu. Il se dit également qu’il aurait été consulté sur la nomination de Pierre Dubreuil à Chambord. Moins provocateur que Thierry Coste, le lobbyiste de la FNC, il n’est pas moins incontournable. Pour une fois, il a accepté de se livrer dans nos colonnes.
RNC : Quelle formation avez-vous suivie ?
N. G. -G. : Un parcours relativement classique pour un passionné de nature. Je suis passé par un bac puis un bac +2 en gestion de la faune sauvage.
RNC : Depuis toujours, vous avez donc souhaité vous orienter vers cette thématique ?
N. G. -G. : Absolument ! Pendant mes études, j’ai fait un stage à la fédération des chasseurs et je me suis dit que c’était dans cette branche que je voulais me lancer ! Ce fut ainsi un bel accomplissement personnel lorsque j’ai pris mes fonctions en tant que directeur de la fédération de l’Eure en 2007.
RNC : Et avant cela, quel a été votre parcours professionnel ?
N. G. -G. : J’ai écrit 5 livres. Le premier dès la fin de mes études, à 20 ans, sur l’élevage du gibier, puis des livres sur le piégeage et sur le faisan. Parallèlement, je me suis investi dans des associations avicoles et ornithologiques. À cette période, j’ai été élu secrétaire général de la Société centrale d’aviculture de France, l’équivalent de la Centrale canine mais pour les oiseaux. J’ai aussi été pigiste pour différentes revues de chasse et, au fil des ans, je suis devenu directeur des rédactions aux Éditions Chasse Sports (actuellement Versicolor, NDLR).
RNC : Vous êtes donc un passionné d’oiseaux ?
N. G. -G. : Un grand passionné d’élevage d’oiseaux en tout genre, oui ! Déjà, enfant, j’adorais élever des oiseaux, qu’il s’agisse de gibier ou d’espèces exotiques. À la fin de mes études, je me suis beaucoup intéressé à l’élevage du gibier à plume dans l’objectif de produire des oiseaux plus qualitatifs pour le repeuplement. Aujourd’hui encore, l’avifaune prend une grande place dans ma vie.
RNC : Il y a une continuité entre cette passion pour les animaux à plume et la chasse, je suppose ?
N. G. -G. : Absolument, je chasse principalement le migrateur, mais aussi le petit gibier sédentaire avec mon labrador et mon cocker. Je prends peu de plaisir à chasser le grand gibier, c’est donc une chasse que je pratique très peu.
RNC : En plus d’être directeur de la fédération de l’Eure, vous avez d’autres casquettes ?
N. G. -G. : Oui, je suis assez investi en politique. Pour ma commune, Évreux, dans laquelle je vis depuis quarante-huit ans, mais aussi pour mon département. Je suis deuxième adjoint au maire chargé de la sécurité, de l’environnement, du cadre de vie, des espaces verts et boisés et de la ferme pédagogique de Navarre. Depuis l’année dernière, je suis vice-président du parc naturel régional des Boucles de la Seine normande mais également conseiller départemental. Une élection qui a été compliquée, d’ailleurs.
RNC : C’est-à-dire ?
N. G. -G. : Disons que je n’ai pas fait le plein. Le second tour de l’élection, c’était un candidat Europe Écologie Les Verts face à un directeur de fédération de chasse ; et je l’ai emporté. Ça prouve bien que lorsque vous êtes impliqué et que les habitants vous connaissent, le fait d’être chasseur n’a que très peu de poids dans la balance, finalement. Les gens s’en fichent du métier ou de la passion du candidat, ce qui leur importe, c’est ce qu’il fera pour eux. C’était un test intéressant, et que ce soit à la mairie, à la fédération ou au département, l’écologie tient une place centrale dans mes actions, et je n’ai nullement besoin d’une étiquette « verte » pour agir en faveur de l’environnement.
RNC : Des exemples concrets ?
N. G. -G. : Dans la ville d’Évreux, par exemple, nous avons la chance d’avoir de grands espaces verts, de grands espaces boisés, que l’on essaie de gérer pour le mieux. La commune est labellisée 4 Fleurs, qui est l’échelon le plus haut et qui, contrairement à ce que les gens pensent souvent, ne se limite pas uniquement au fait qu’une ville soit fleurie. Ça englobe aussi la gestion de la ressource en eau et de la biodiversité, entre autres. Cette labellisation est donc une belle consécration pour l’investissement de la ville sur ces sujets. Au sein du département, à la fois avec la fédération et le conseil départemental, on travaille beaucoup sur les mares et les haies, qui sont de véritables îlots de biodiversité. Lorsque l’on restaure une mare, très rapidement, la faune et la flore font leur retour.
RNC : Ce sont des projets conjoints ou indépendants ?
N. G. -G. : Certains sont conjoints car ils ont vu le jour avant mon arrivée au conseil départemental, mais les nouveaux sont plutôt indépendants. Je prends soin de ne pas mélanger mon travail et la politique. Je ne souhaite notamment pas que l’on m’accuse de favoriser la fédération.
RNC : Selon vous, la chasse et la politique doivent donc être traitées séparément ?
N. G. -G. : Je pense qu’idéalement, elles devraient l’être, mais dans les faits, elles le sont de moins en moins. Comme l’écologie s’est politisée, la chasse, à mon sens, doit aussi se politiser. Je pense qu’on devrait avoir un rapport à l’écologie qui soit pragmatique et scientifique. On l’a associée à des idées de gauche. Quand je dis « on », je considère que tous les partis politiques ont leur part de responsabilité. L’écologie, c’est du bon sens ! Il ne devrait pas y avoir de clivage gauche-droite sur ces sujets-là. L’écologie politique, c’est devenu une sorte de combat de valeurs, de combat d’opinions, on a perdu la racine même de l’écologie.
RNC : Et pour terminer, sur le terrain, dans les champs, dans les bois, quelles sont, d’après vous, les mesures d’urgence à prendre pour l’écologie ?
N. G. -G. : Pour l’instant, les relations avec le monde agricole sont encore parfois trop compliquées. Les échanges sont bien trop souvent limités aux discussions autour de dégâts de gibier. Je pense qu’en milieu agricole les chasseurs font leur part en matière d’écologie. Mais j’estime que les agriculteurs devraient, quant à eux, valoriser davantage leurs efforts et faire plus que ce qu’ils font déjà. On voit bien qu’il y a une véritable problématique d’érosion de la biodiversité en plaines cultivées. Il est donc plus qu’urgent d’avoir une conversation franche avec nos partenaires agricoles sur ces sujets.
- Nicolas Gavard-Gongallud a travaillé pour le cabinet de Sébastien Lecornu quand il était secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. Il a participé activement à la mise en place de la réforme de la chasse en lien étroit avec Willy Schraen.